17.06.2011 / AGRICULTURE , PêCHE ET ENVIRONNEMENT VINGT SIXIéME RAPPORT ANNUEL
LE DEVELOPPEMENT DU SECTEUR FORESTIER

Les forêts revêtent une grande importance dans la préservation de l’équilibre écologique eu égard à leur rôle dans la préservation de la biodiversité, la protection contre l’érosion, la désertification et la conservation des eaux et du sol.
les forêts ont une importance économique liée à la valorisation de différents produits tels que le bois, le liège, et les huiles végétales ce qui représente 1,4 % du P.I.B.
Les forêts jouent un rôle social dans la mesure ou elles procurent des sources de revenu pour ses habitants qui représentent environ 10 % de la population totale et 23 % de l’ensemble de la population rurale.
Les forêts représentent un cadre favorable pour les activités de loisir et de tourisme écologique car elles renferment plusieurs catégories végétales et animales très variés et divers parcs et réserves nationaux.
Les forêts s’étendent sur une superficie de 1,1 millions d’hectares comprenant essentiellement des arbres de pin d’Alep dans la dorsale tunisienne au centre et au sud et des chênes de liège et de zen au nord ouest du pays.
En vue de protéger cette richesse naturelle il a été essentiellement procédé à l’instauration d’un cadre légal spécifique aux forêts et à la préparation d’un plan national de reboisement des forêt et des pâturages (1990-2001) et du plan national de promotion du secteur forestier (2002-2011) qui a englobé également « le projet de gestion intégrée des forêts » financé par la Banque Japonaise de Coopération Internationale et le « projet de coopération technique » avec la F.A.O.
En vu d’apprécier le degré de réalisation des objectifs visant à la promotion du secteur forestier, la Cour des Comptes a mené une mission d’évaluation ayant porté sur la gestion du système forestier, la couverture forestière, la préservation des forêts et la gestion socio-économique des forêts.
I- La gestion du système forestier
Les plans d’aménagement constituent une référence technique permettant de déterminer les travaux nécessaires à engager au niveau de chaque forêt. Ces plans ont pour objectif la bonne gestion des ressources forestières afin d’assurer la pérennité des forêts en tenant compte de leur rôle socio-économique et environnemental.
Les plans d’aménagement réalisés ne couvrent que 44,54 % de la superficie totale des forêts.
La validité de 59 % des plans d’aménagement élaborés est dépassée.
La stratégie nationale de promotion du secteur forestier a fixé comme objectif l’élaboration de plans d’aménagement pour une superficie de 160 mille hectares et l’actualisation de plans pour une surface de 270 mille hectares. Le coût est estimé à 5MD. Cependant, aucun plan d’aménagement n’a été élaboré pour les surfaces non aménagées durant la période 2002-2009.
Les plans d’aménagement en cours de validité au mois de Mai 2010, ne couvrent que 18,36 % des forêts..
Les plans de développement n’ont pas inscrit de crédits relatifs à l’exécution des différentes composantes des plans d’aménagement.
Il a été relevé l’absence de procédure d’approbation des plans d’aménagement par une commission regroupant les différentes spécialités et les ministères concernés.
Les crédits alloués au secteur ont atteint 55,55 % des crédits prévus par le plan durant la période 2002-2009.
La réalisation des principales composantes du plan tel le reboisement, l’actualisation des plans d’aménagement et l’infrastructure n’a été qu’à hauteur de 32 %, 6 % et 11 % des prévisions.
Les taux de réalisation des objectifs ne sont pas proportionnels à ceux de consommation des crédits. Les crédits relatifs à la rémunération des ouvriers des chantiers sont portés dans le budget de développement, alors qu'ils ne contribuent pas à l’exécution des programmes d’investissement du secteur forestier. Ces crédits représentent plus de 50 % de l’ensemble des budgets alloués.
Les programmes forestiers supportent des montants importants pour la gestion d’autres services autres que ceux des forêt tels que le carburant ou la rémunération d’un personnel n’exerçant pas au sein de l’arrondissement forestier. Ces montants ont atteint 6 MD durant la période 2007-2009.
Les crédits consommés ne font pas l’objet d’un suivi détaillé de chacune des composantes des plans. C’est ainsi que les dépenses ne sont pas individualisées selon qu’il s’agisse de reboisement, d'entretien ou de l’exécution des composantes des plans d’aménagement.
Au niveau de l’organisation des services forestiers, il a été relevé l’existence qu’un centre forestier couvre environ 5.640 ha tandis que les normes adoptées au niveau du bassin méditerranéen préconisent la création d’un centre pour chaque 2500 ha. Ainsi le nombre des centres forestiers enregistre un écart de 56% par rapport aux normes méditerranéennes.
Le taux des centres forestiers ne répondant pas aux normes sus-citées, en ce qui concerne la superficie, a atteint 70 % au mois de Mai 2010.
Les superficies relevant de la compétence des centres forestiers dépendant du même arrondissement régional varient entre 900 ha et 5634 ha à Jendouba et entre 2.253 ha et 12.998 ha au Kef.
En mai 2010, 42% des centres forestiers ne sont pas pourvus en responsables. Ce taux atteint 74 % à Kasserine, 63 % à Kairouan et 55 % à Béja.
Il a été relevé une disparité dans les superficies confiées aux gardes forestiers. Cette superficie dépasse 820 ha pour un gardien à Béja et 465 ha à Ain Drahem et ne dépasse pas 235 ha à Zaghouan.
L’insuffisance en nombre des centres forestiers et l’inégalité des surfaces affectées a chaque centre en plus des vacances constatées ainsi que la disparité dans la répartition des gardes forestiers et l’occupation de certains d’entre eux par d’autres travaux sont de nature a compromettre l’efficacité du contrôle de la richesse forestière.
Un système intégré d’information forestière a été instauré depuis l’année 2002. Cependant, il a été constaté que ce système n'est pas encore opérationnel. Les différentes directions centrales et les arrondissement régionaux ne sont pas en mesure d’accéder à ce système pour le consulter ou pour le mettre à jour.
Les données contenues dans ce système remontent au premier inventaire réalisé en 1995.
Les travaux opérationnels relatifs au second inventaire ont démarré depuis l’année 2000 et ont pris fin en 2007. La publication en 2005 des résultats s’est limitée aux gouvernorats de Jendouba, Béja et Bizerte. Jusqu'à fin Mai 2010 les autres résultats n’ont pas été encore publiés.
II- La couverture forestière
Le concept de couverture forestière, adopté au niveau national, n’est pas soumis à une définition précise et formalisée conformément à des normes fixant ses composantes.
Les taux de couverture forestière n’a atteint que 13,04 % en 2009, selon la direction générale de forêts, contre un objectif de 16 % qui aurait dû être atteint depuis 2001. Par ailleurs, cet objectif à été toujours reporté pour le réaliser qu’en 2020. La non réalisation du taux escompté est imputable à la faiblesse de la moyenne annuelle de reboisement qui ne dépasse pas les 19 mille ha/an au lieu des 40 mille ha comme objectif fixé par la stratégie.
Dans le domaine du reboisement des forêts et pâturages, le taux de réalisation est modeste. Il n’a pas dépassé 32,5 % des surfaces projetées dans la stratégie au terme de l’année 2009 et n’a pas dépassé 36 % des objectifs des plans de développement.
Les objectifs de reboisement prévus par le plan n’ont pas été répartis selon des variétés bien déterminées et selon une distribution géographique précise permettant de diversifier la superficie forestière et de favoriser les variétés productives et à croissance rapide.
Le taux d'entretien des nouvelles plantations durant les années 2007-2008-2009 n’a atteint respectivement que 28,95 %, 23,81 % et 20,95 % des travaux nécessaires.
Les forêts de liège subissent une détérioration permanente qui a atteint 40 % avec un impact négatif sur la production du liège qui a enregistré une régression annuelle de 1,6 % depuis le début des années 90.
Les réalisations n’ont pas dépassé 1,5 % des objectifs de la stratégie relatifs aux nouvelles plantations et 2 % en ce qui concerne le renouvellement des forêts du liège. Les opérations d'éclaircissement des arbres n'ont pas dépassée 13 %.
La stratégie a prévu la mise à niveau d’au moins une pépinière forestière par gouvernerat. Or, la mise à niveau n’a porté que sur 16 pépinières dans seulement 14 gouvernorats.
III- La protection des forêts
La Tunisie compte 15 parcs nationaux et 19 réserves naturelles s’étendant sur une superficie totale d’environ 323 milles hectares.
87,5 % des zones protégées sont dépourvues de plan d’aménagement ce qui n’est pas de nature à garantir leur gestion efficiente et la protection effective de l’écosystème et des plantes et des animaux rares qui s’y trouvent.
Contrairement aux dispositions du code des forêts , il n’a été procédé, à fin Mai 2010, à la promulgation des textes réglementaires afférents aux mesures nécessaires pour garantir la conservation de l’aspect naturel des parcs nationaux et des réserves naturelles, que pour 22 % d’entre-eux.
Contrairement à ce qui est prévu par la stratégie, les plantes et les animaux protégés dans les parcs et les réserves ne font pas l’objet de suivi et d’inventaire puisque les actions réalisées se limitent, à ce sujet, aux espèces animales réintroduites.
Ceci ne permet pas de s’assurer du degré de protection des espèces végétales et animales rares et menacées d’extinction ni de l’efficacité des mesures adoptées à ce sujet .
Des plans de développement participatifs ont été élaborés, dans le cadre d’une approche visant à faire participer les habitants des zônes avoisinant les zones protégées dans la préservation de l’écosystème existant à travers la création de nouvelles sources de revenu en compensation de la non exploitation des zones protégées. Cette approche a pour objectif la garantie de la durabilité de l’équilibre écologique et de la biodiversité dans les zônes protégées. Cependant les plans en question se sont limités aux projets financés par des parties étrangères et n’ont pas couvert 80 % des zônes protégées.
La superficie du domaine forestier de l’Etat est d’environ 926 mille hectares dont 559 mille hectares sont enregistrés. Les terrains non enregistrés comprennent environ 163 mille hectares qui ont fait l’objet entre 1941 et 1974 de jugements de bornages complémentaires pour permettre la finalisation des procédures d’enregistrement.
La direction générale des forêts a conclu une convention avec l’Office de la Topographie et de la Cartographie en 1999 en vertu de laquelle l’OTC s’engage à effectuer les opérations de bornages complémentaires et à réaliser les procédures d’enregistrement et de rétablissement de bornes pour l’ensemble des titres fonciers forestiers.
Les réalisations n’ont atteint que 36 % en ce qui concerne les opérations de bornages complémentaires et n’ont pas dépassé 11 % pour les procédures d’enregistrement du reste des terrains tandis que le rétablissement de bornes des titres fonciers programmés n’a enregistré aucune réalisation. Ainsi, la situation foncière du domaine forestier de l’Etat est restée dans la même situation de celle d’avant la conclusion de la convention sus-citée, à savoir que 40 % de ce domaine demeure non encore enregistré.
Face à ces insuffisances, les terres forestières non enregistrées ont fait l’objet d’occupation et d’exploitation par des tiers et, pour certaines d’entre elles, des jugements ont été rendus prononçant l’enregistrement au profit de personnes privées eu égard à la durée prolongée d’occupation et de l’impossibilité pour l’administration de prouver son droit de propriété.
Les terrains enregistrés sont exposées au risque de l’exploitation illégale de la part des habitants des forêts, et ce en raison des difficultés de les surveiller par les gardiens du fait du non rétablissement des bornes relatives des superficies enregistrées tel que stipulé dans la convention avec l’OTC.
En matière de protection des forêts contre les incendies, la moyenne des superficies incendiées annuellement s’est réduite de 13,86 ha pour un incendie durant la période 1992-2001 à environ 2 ha durant la période 2002-2009.
Dans le domaine de l’infrastructure, les réalisations n’ont pas dépassé, par comparaison aux objectifs, 6,7 % en ce qui concerne les pistes, 7,3 % pour les pare-feux et 11 % pour les points d’eau.
Les travaux d'entretien de l’infrastructure ne dépassent pas annuellement 61 % des travaux nécessaires pour les pistes et 45 % pour les pare-feux.
Le nombre de véhicules de première intervention et celui des camions d’approvisionnement n’a pas dépassé respectivement 20 % et 17 % du nombre exigé. L’insuffisance du matériel associée à sa vétusté qui s'élève à plus de 50 %, sont de nature à limiter l’efficacité de la première intervention des services forestiers en cas d’incendie en attendant l’arrivée de la protection civile.
IV- La gestion socio-économique des forêts
La moyenne annuelle des quantités exploitées de bois, durant la période 2007-2009, n’a pas dépassé 58 % de la capacité de production ce qui c’est traduit par un manque à gagner pour les ressources de l’Etat estimé à 4 MD au titre de l’année 2009.
Les superficie programmées dans les plans d’aménagement ne sont pas exploitées dans leur totalité. C’est ainsi que le taux d’exploitation des surfaces aménagées n’ont atteint que 54 % ,32 % et 17 % respectivement pour les régions de Bizerte, Jendouba et Ain Drahem au titre de la période 2007-2009. Quant aux forêts non aménagées, elles demeurent non exploitées en raison de l’absence de données précises concernant leur potentialités.
La production annuelle du liège n’atteint pas toujours les quantités prévues dans les plans d’aménagement et dans les programmes d’exploitation. Le manque des quantités exploitées au titre de la période 2007-2009, dans les arrondissements régionaux de Ain Drahem, Jendouba et Béja, est estimé à 74.818 quintaux se traduisant par un manque à gagner d’environ 5,7 MD.
Certaines régions souffrent d'un manque de main d’œuvre qualifiée pour la collecte du liège. C’est ainsi que seuls 198 ouvriers dans l'arrondissement des forêts de Tabarka ont participé à la campagne de collecte de 2009, ce qui représente 33 % des besoins.
Les réalisations relatives aux produits secondaires n’atteignent pas toujours les prévisions des programmes annuels. Il a été relevé que la production moyenne annuelle du pignon durant la période 2007-2009, n’a pas dépassé 6,38 % des prévisions ce qui représente un manque à gagner annuel d’environ 295 m.D. La moyenne des quantités exploitées de Zgougou n’a pas dépassé durant la même période 14,53 % des prévisions en raison notamment de l’exploitation anarchique de ce produit. Quant au taux des surfaces exploitées de mynthe n’a pas dépassé 52,71 % des surfaces programmées durant la même période.
Les produits forestiers sont vendus aux enchères publiques ou de gré à gré. La liste des produits vendus obligatoirement aux enchères publiques a été déterminée par arrêté du Ministère chargé de l’agriculture qui remonte à l’année 1993. Cet arrêté ne comprend pas certains produits qui connaissent une affluence croissante de la part d’exploitants privés.
Il a été relevé que la vente aux enchères publiques concerne, essentiellement, le bois et le liège et qu’elle ne se base pas sur une méthodologie claire et formalisée pour le calcul des prix d’ouverture des différents produits ce qui ne permet de s’assurer de l’obtention des prix les plus élevés.
Un nombre limité d’opérations de vente aux enchères publiques est organisé annuellement pour la cession des quantités disponibles de bois et de liège ce qui n'est pas de nature à éviter une entente préalable entre les participants.
Les droits d’exploitation du champignon ont été concédés en 2000 à une société privée pour une durée de 5 ans, par le biais d’une opération de vente aux enchères publiques pour une valeur totale de 1 MD environ. Bien que la société exploitante n’a pas rempli ses obligations financières, puisqu'elle demeure redevable à l'Etat d'un montant de 675 mD, elle a continué à exercer ses activités, en vertu de contrats conclus de gré à gré, jusqu’en 2010, d'un montant 15,3 mD par an, ce qui ne représente que 7,65 % seulement du prix obtenu par voie de vente aux enchères publiques.
Les prix des produits vendus de gré à gré n’ont pas été révisés depuis 15 ans, et ce malgré l’augmentation des prix pratiqués.
Le nombre des groupements de développement crées n’a pas dépassé 15 % des objectifs fixés au terme de l’année 2009.
Il a été relevé que l'activité économique des groupements de développement est limitée. C’est ainsi que 10 d’entre eux seulement ont conclu 24 contrats pour la réalisation de travaux forestiers en 2008 pour une valeur totale de 466 mD environ alors que cette valeur était autour d'un million de dinars lors du démarrage de la stratégie.
Les groupements de développement sont dans l'incapacité d’acquérir les produits forestiers vendus aux enchères publiques, étant signalé que la réglementation relative aux conditions de cession des produits forestiers ne permet pas aux habitants des forêts de les acheter de gré à gré.
Dans le cadre de la promotion de l’investissement privé dans les forêts, il n’a été procédé qu’à l’octroi d’une seule concession relative à un projet touristique et écologique intégré dans gouvernorat de Bizerte. Cette situation est imputable, essentiellement, à la non identification des opportunités d’investissement dans les forêts à travers une étude des zones concernées et les projets qui peuvent être réalisés en fonction du caractère spécifique des forêts.


